Vaccinez-vous contre le surpoids !
Par Adrien Lebelliez [contact]
>>>EXACTEMENT COMME UN VACCIN
Ancien chercheur au CNRS, l’homme qui se cache derrière cette
incroyable découverte est avant tout préoccupé par
les conséquences sanitaires de l’obésité : «
Si rien n’est fait, un quart de la population française sera
obèse d’ici 2020 » martèle le Professeur Martin.
« Face à l’hystérie provoquée par le
régime Atkins, j’ai réalisé que l’immunologie
alimentaire pouvait changer la vie de millions de personnes. C’est
ainsi qu’est né le Lipivax. »
Le procédé en est extrêmement simple. « Il
s’agit d’injecter une dose infinitésimale de lipides
désactivés dans l’organisme du sujet » explique-t-il.
« Le système immunitaire va alors les identifier comme
des agresseurs : à chaque nouvelle intrusion, il enverra des lymphocytes
B pour les combattre. C’est exactement comme un vaccin. »
La barrière immunitaire met en moyenne deux semaines à s’installer.
Une fois ce délai écoulé, le sujet peut ingurgiter
une quantité infinie de lipides sans prendre un seul gramme : en
détruisant les lipides, les lymphocytes stoppent tout naturellement
le processus de stockage des graisses.
>>>DÉMARCHE CITOYENNE
Évidemment, cette révolution immunologique n’intéresse
pas que le milieu scientifique : les bénéfices de la commercialisation
du Lipivax promettent d’être colossaux. Et contre toute attente,
le brevet industriel n’a pas été racheté par
un laboratoire pharmaceutique… mais par le géant hollandais
Unilever (propriétaire de la marque Slim-Fast).
Pour Antoine de Fleurian, responsable du Brand Innovation Department au
sein de la multinationale, le rachat du brevet s’inscrit avant tout
dans une perspective éthique. « Il est impensable que,
dans nos sociétés modernes, l’origine sociale joue un
tel rôle dans le développement du surpoids » s’emporte-t-il.
Ainsi, selon une étude menée par le Département de
Médecine Sociale de l’Université de Bristol[1], le fait
de naître dans un milieu défavorisé multiplie le risque
de surpoids par 2,82. « Au-delà de considérations
purement commerciales, encourager l’accès à ce vaccin
constitue clairement une démarche citoyenne. »
Selon une source gouvernementale qui a souhaité garder l’anonymat,
Unilever a déjà mobilisé l’intégralité
de son Industrial Lobbying Department pour sensibiliser l’INPES à
la nécessité d’une campagne de vaccination à
l’échelle nationale.
>>>FIN DU LIGHT
Mais encore faudrait-il définir le statut exact du Lipivax : produit
pharmaceutique ou de grande consommation ? Le Legal Trivial Matters Department
d’Unilever met tout en œuvre pour que le vaccin rejoigne la catégorie
des substituts de repas : une telle classification permettrait de sauter
la case AFSSAPS et d’accéder aux linéaires des hypermarchés.
Si cette démarche aboutit, de nombreuses filières risquent
d’être totalement bouleversées : certains experts prédisent
déjà la fin du light et des crèmes amincissantes.
Face à ce danger, Danone et L’Oréal viennent de fusionner
leurs Counter-Intelligence Departments respectifs : « l’union
fait la force » rappelle Arnaud Benoît, responsable de
la cellule de crise chez Danone. « Par ailleurs, certaines études
montrent déjà que le Lipivax induit des effets secondaires
de nature à remettre en cause la balance bénéfice-risque
du produit. »
>>>SYNDROME JAMES DEAN
En effet, il existe un petit bémol dans la composition actuelle du
vaccin : selon l’Institut Pasteur, si le Lipivax diminue sensiblement
les risques de maladies cardiovasculaires, il favorise l’apparition
de tumeurs cancérigènes dans la région hépatique.
Un point faible qu’Antoine de Fleurian balaie du revers de la main
: « Quelle est l’utilité de vivre longtemps quand
on est en surpoids ? Nos panels montrent que 83 % des jeunes de 18 à
25 ans sont prêts à réduire leur espérance de
vie de trente ans pour devenir plus minces. C’est ce que nos experts
marketing appellent le syndrome James Dean. »
À l’instar du tabac, le Lipivax semble donc bien parti pour
devenir la nouvelle Fureur de Vivre du XXIe siècle.
[1] M. Okasha, P McMarron, J McEwen, J Durnin,
G Davey Smith, Childhood social class and adulthood obesity:
findings from the Glasgow Alumni Cohort, in J Epidemiol Community
Health, 2003