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Motifs ou couleurs ?

 

 

Par Catherine Ferroyer-Blanchard [contact]

À la fin du XIIIe siècle, le moine bernardin Fabiault Loutchy avait posé les bases de ce qui allait plus tard devenir la vision actuelle de la mode. Dans son traité, « Du Dialogue des Formes et des Couleurs à Dessein de se Vêtir » (1276), il pose l'« association bienheureuse » comme fondement de la beauté. Aujourd'hui, ses préceptes ont à peine évolué et ils sont encore à la base de notre conception du « bien habillé ». Le mot-clef demeure : accorder. Chaque matin, tout le monde garde à l'esprit qu'il faut harmoniser ses boucles d'oreilles avec son sac, son rouge à lèvres avec ses bracelets, sa jupe avec sa chevelure, son diadème avec ses chaussettes. Le tout au risque de ressembler à une jetée de lit coordonnée avec une couverture. Car la mode a ceci de commun avec la GRS, qu'une coordination trop poussée tue la poésie.

C'est que l'accord de ses vêtements est un art difficile. Cela devient un vrai casse-tête quand on sait qu'il faut prendre en compte non seulement les couleurs, mais également les motifs des tissus, voire les volumes ou les matières des vêtements. Pour s'y retrouver, Agathée Desmerch, co-fondatrice du bureau de tendance Action ! Fashion ! a édité un petit guide pratique «Motifs/couleurs : quelle(s) hiérarchie(s), quels choix ? » aux éditions Jaconas & Homespun pour nous aidez à y voir plus clair .

Agathée Desmerch reprend les travaux du moine bernardin en en modernisant les références, puisque les hommes du Moyen-Âge ne connaissaient pas le rouge, désignaient le turquoise et le pourpre par le même mot, et entendaient le tissus à pois comme comportant de fines rayures en pieds-de-poule. Elle y inclut les avancées les plus récentes de la recherche, puisque tous les résultats sont issus de calculs fondés sur des centaines de variables, et faisant sans doute appel à des logarithmes. Sous forme de 188 tableaux, elle retrace les principales combinaisons, et nous met en garde contre les erreurs à ne pas commettre.

Par exemple, si vous décidez de porter un chemisier à fleurs brunes, vous vous demanderez immanquablement si la ceinture doit reprendre le motif floral ou la couleur bien connue de l'Italie d'avant-guerre. La réponse ne laisse pas de surprendre : il faut une ceinture fleurie. « Toutes les études ont montré, explique Agathée Desmerch, que pour cet assemblage précis, aussi bien en termes de charge chromatique que de jeux d'assonances et de dissonances géométriques, la fleur l'emportait sur le brun. C'est aussi parce que le brun est moche. »

Classés par assemblage (pantalon / ceinture, pantalon / top, jupe / pull, guêtre / foulard...), ce petit livre permet en un clin d'œil de ne pas se tromper. Le tableau ci-après indique, par exemple, la manière adéquate d'associer ses chaussures en fonction de son manteau d'hiver. Le C signifie que la couleur du manteau l'emporte sur le motif dans le choix des chaussures tandis que le M renverse la hiérarchie.

Les cas litigieux, les raretés, les excentricités, qui sont l'essence de la mode, ne sont pas oubliés, puisqu'un dernier chapitre leur est spécialement consacré. Les motifs rares (pelleteuses, kiwis, étoiles à 11 branches...) et les couleurs peu utilisées (limonade, jaune violacé, céleri écrasé) qui ne souffrent aucune classification font même l'objet de paragraphes spéciaux, équilibrés et nuancés.

Agathée Desmerch, Motifs/couleurs : quelle(s) hiérarchie(s), quels choix ?, Jaconas & Homespun, dix-neuf euros.


 


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