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Pour une alimentation mode

 

 

Par Catherine Ferroyer-Blanchard [contact]

Cet hiver a été plein de succès pour la Peltag (la Police Européenne du Look, de la Tendance et de l'Avant-Garde - voir Wendy Magazine #3), qui s'attend à vivre un printemps et un été palpitants. Alors que le nombre des interpellations a sextuplé en quelques semaines — avec un pic le 31 décembre, où les agents ont été réquisitionnés pour sillonner les coins sensibles des capitales européennes où le lamé faisait des ravages — de nouveaux projets laissent augurer du meilleur pour le développement de l'action de la Peltag.

En effet, une nouvelle Directrice vient d'être nommée : l'Espagnole Maria-Bella Cori remplace ainsi le précédent directeur, limogé pour avoir porté des mocassins à glands d'un marron non référencé. Celle-ci a décidé de placer son mandat sous le sceau d'un grand projet : la « Fooding Blacklist for Better FashionHealth » (la « Liste noire des Aliments pour une Meilleure Santé-Mode »).

Salués par la presse et par la Délégation européenne à la Prévision chromatique, les résultats incroyablements positifs de la Peltag ont conforté l'institution dans son action. Forte d'un pool d'agents expérimentés et nombreux, la Peltag, sous les traits de son porte-parole, se félicite : « Nous avons atteint notre objectif avec une rapidité qui a impressionné aussi bien nos collaborateurs que les usagers. Nous voulons utiliser cette dynamique pour investir de nouveaux champs d'action. Et nous sentons que les domaines de l'alimentation et du bien-être nutritionnel doivent être investis ».

La nouvelle Directrice est soutenue dans son initiative par les lobbies à l'origine même de la création de la Peltag. Ceux-ci verraient en effet d'un très bon œil une éventuelle mainmise de l'institution sur les comportements alimentaires des individus « sensibles», dont l'amaigrissement massif aussi bien que la prise de poids conséquente serait une formidable aubaine économique.

Maria-Bella Cori s'est donc entourée d'un cœur d'experts de renom, dont la composition reste à ce jour secrète. Mais on murmure déjà que certains ténors de l'art culinaire, de la nutrition, et du design alimentaire se seraient portés volontaires pour faire partie de cette aventure.

En exclusivité, Wendy Magazine révèle quelques unes des pistes sur lesquelles travaille la Peltag.


>>LA FIN DES SAVEURS MUTLIPLES

La prolifération des saveurs dites « multiples » est durement montrée du doigt. Dans un monde où règne la superficialité et l'éphémère, la Peltag voit dans la nutrition le dernier bastion de naturalité.

L'addition d'une saveur non unitaire à tout type de produit risque par conséquent d'être formellement prohibée par la Peltag. Par exemple, la saveur Poulet sera tolérée seule, mais l'ajout de la mention « grillé » ou « braisé » ne le sera pas. De même, les saveurs difficilement identifiables comme «Saveur Aroma » ou « Mille Saveurs de la Communauté européenne » deviendront illégales.


>>LE RETOUR EN FORCE DU GRAS

« C'est le gras des aliments qui les rend bons au goût. Vouloir manger de la charcuterie sans gras est une telle aberration que cela ne peut qu'être interdit. C'est une idée incongrue, sans fondement et injustifiable. » Voilà ce que déclarait dans une interview récente Mikaëla No, jeune prodige de la restauration berlinoise. Son nouvel établissement ne propose d'ailleurs que des plats à base de charcuterie et de fromage, découpés selon des formes géométriques très tendance, dont la conception a été pensée par la chef elle-même.

Représentante d'un courant encore méconnu de la cuisine, qui prône le retour de l'utilisation du saindoux et de la graisse d'oie pour cuisiner, fort est à parier que ses principes culinaires volontairement chargés en gras vont influencer la rédaction de la Blacklist.


>>LA MISE EN AVANT DE LA CRÉATIVITÉ CULINAIRE

Les yaourts à la mode pâtissière, les gâteaux en kit, les canapés sous cellophane, sont autant de produits préfabriqués qui brident la créativité des personnes. Mélanger du yaourt à du biscuit concassé, casser des œufs dans un puit de farine, découper du Comté en forme d'étoile sont des gestes que les produits précités mettent en danger.

La créativité, et plus particulièrement celle des individus « sensibles », doit être encouragée, car elle s'exprimera ensuite dans tous leurs actes et leurs attitudes. Sans tomber dans les raccourcis faciles, plus on consomme de yaourt saveur tarte tatin, moins on pense à accrocher une broche ou à faire un point de couture qui rendra un vêtement vraiment original. C'est ce phénomène pernicieux que la Peltag se doit de combattre.


Si cette liste ne donne qu'un avant-goût de ce que sera la Blacklist définitive, elle nous met déjà sur la piste de ce que ne doit pas être notre alimentation selon la Peltag : une fake alimentation. L'industrie agroalimentaire, qui prend pour le moment assez peu au sérieux les déclarations de la Peltag. Toutefois, elle ferait bien de revoir sa copie et de proposer des aliments labellisés « fashionhealthy », au risque de voir une partie de sa clientèle se détourner de ses produits. En effet, leur consommation sera passible d'une amende dès le 1er août 2006, date de publication officielle du la Fooding Blacklist for Better Fashionhealth.