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Sans tache

 

Par Hadrien Albinoni [contact]

À l’occasion d’une rétrospective de l’artiste fondateur de groupe des déclarationnistes à la Galerie Louis Althusser, Wendy Magazine a rencontré Pierre Casseldoni, touche-à-tout génial de l’art contemporain.

L’historien de l’art qui, en 2100, essaiera de se pencher sur le travail de Pierre Casseldoni aura bien du mal à retracer sa démarche, tant celle-ci paraît consubstantiellement liée au temps présent. « Dans 10 ans, je serai balayé par l’histoire, et c’est mon objectif » affirme cet artiste trapu, d’aspect revêche mais qui ne refuse pas de temps en temps un ou deux Tic-Tac.


Parmi les escapades de tes certitudes, s’agenouille le roman insensé de nos enivrements : c’est bien ce que semble constamment nous dire cet ancien diplômé des Ponts et Chaussées, reconverti tardivement dans le sport de haut niveau, puis la vidéo et la photographie. Toutes ses expériences radicales l’ont conduit à nourrir une œuvre à la fois riche et intense, qu’il compare volontiers à des limbes (ou des nimbes). Ce surplus d’émotions - comme une figure inversée de ce qu’a été la peinture - prend sa source à la fois dans un inconscient

collectif débarrassé des oripeaux abjects de la métaphysique occidentale, et dans de simples souvenirs d’enfance, comme le chant d’une feuille ou le crissement d’une mère attentive.


« J’avoue surplomber avec bonheur toutes ces sirènes inutiles » ironise cet ancien cardiologue. Mais que garde-t-il de cette vie de barroudeur du soleil ? Une ou deux blessures, et surtout beaucoup de culot. Ses vidéos tentent en effet d’offrir au spectateur une vision unique d’un monde contemporain en mutation. « J’apporte avant tout une nouvelle compréhension des gens et des choses fondée sur l’oubli ». Comme une sorte de bocal d’eau froide duquel on aurait retiré la transparence et la pureté des sourires. Celui qui, avant d’être un artiste à part entière avait entamé une carrière de constitutionaliste, aime à détourner les codes, à détricoter les institutions (médiatiques, politique et bien-sûr artistiques), à surprendre et à s’emballer.


D’ailleurs, lorsqu’au Touquet, en 1986, il rompait avec le groupe des déclarationnistes, il lança à son ami le plasticien Jacques Cousselier une phrase qui constitue peut-être aujourd’hui sa plus célèbre intervention artistique : « Je n’ai ni besoin du renoncement, ni de l’abdication pour refuser de faire une œuvre ». Et c’est cette phrase qui est aujourd’hui (o fortunatos nimium, sua si bona norint !) mise en exergue dans le catalogue de l’exposition, catapultant sans doute l’ancien moniteur d’auto-école au rang d’artiste le moins iconoclaste de ces 30 dernières années.



 

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